La réforme des régions commence mal
Passer de 22 à 13 régions pour plus d’efficacité et plus d’économies, tels sont les objectifs du projet de loi de la réforme territoriale qui a été adopté par les députés français mercredi 23 juillet avec 261 voix contre 205. Les 13 « grandes régions » sont le résultat des fusions de ces 22 régions actuelles, fusions qui ne mettent pas tout le monde d’accord: il y a des discordes pour les nouveaux noms de régions, pour désigner les nouvelles capitales régionales..
La France doit se doter de régions capables d’être les «ressorts de sa puissance économique de demain», pour reprendre l’expression du général de Gaulle.
Un second texte qui sera débattu à l’automne vise à réorganiser les compétences entre collectivités (et cette réorganisation risque de coûter cher): le transfers au niveau régional de la responsabilité des routes, des transports scolaires et des collèges, actuellement sous la responsabilité des conseils généraux (niveau départemental).
Dans le même temps, les intercommunalités de plus de 20 000 habitants vont voir leurs compétences s’étendre au détriment de ces conseils généraux, qui à terme devraient disparaître d’ici 2020.
Le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale André Vallini (en couverture) avait annoncé initialement des économies de 12 à 25 milliards d’euros, grâce aux économies d’échelle, les achats de matériel mieux coordonnés et grâce.. aux suppressions de doublons !
La suppression de cet échelon territorial, les conseils généraux, permettrait donc d’énormes économies, en réduisant des doublons de fonctionnaires accumulés depuis des dizaines d’années. L’intention originale du gouvernement était donc de réduire le nombre de conseillers régionaux pour permettre une partie de ces économies, au moins de manière symbolique.
Un amendement passé discrètement
Le texte prévoyait un plafonnement à 150 élus pour chacune de ces grandes régions créées. Cela permettrait une réduction de 15%: on passerait de 1757 à 1509 conseillers régionaux sur toute la France. Du moins c’est ce que prévoyait le texte dans sa version originale.
Les députés des grandes régions ont protesté contre cette disposition, par exemple ceux d’Ile-de-France qui ne voulaient surtout pas renoncer à leurs 209 élus régionaux. Concrètement, Carlos Da Silva, le rapporteur du texte, a fait voter un amendement le 17 juillet dernier, de manière relativement discrète, pour faire disparaître cette disposition.
Le plafonnement à 150 élus passe donc à la trappe: les grandes régions ainsi créées disposeront donc du même nombre d’élus régionaux qu’aujourd’hui, comme si les régions n’avaient pas été fusionnées et laissées comme telles. Presque 1800 conseillers régionaux pour 13 régions ? C’est du délire !
Comme d’habitude c’est l’argument du fait que les élus régionaux n’auraient plus moyen d’assurer convenablement leur mission si par grand malheur leur nombre était réduit qui est dégainé. Cet argument a été plaidé notamment par Valérie Pécresse, présidente du groupe UMP à la région Ile-de-France.
Alors que 25% des parlementaires cumulent 3 voire 4 mandats, et certains continuent aussi leurs activités dans le privé, ces gens essaient de nous expliquer qu’ils n’auront plus le temps d’effectuer leur travail si leur nombre était réduit. Il y a même des cas de cumuls de mandats vraiment extrêmes !
Cet amendement témoigne clairement ici que tout ce qui intéresse certains de nos élus, ce sont les postes rémunérés grassement qu’ils se partagent entre eux et les différents avantages qu’ils souhaitent conserver. À travers cet amendement on voit qu’ils sont déconnectés des réalités et qu’ils préfèrent s’assurer leur rente, à eux et à leurs petits copains. On ne peut pas continuer à payer des fonctionnaires pour un travail peu efficace dont on a pas besoin.
« L’UMP est donc bien le champion du conservatisme pour ce qui est de s’accrocher à ses rentes quand ses élus ne sont pas occupés à dilapider l’argent de leurs militants et du contribuable en paillettes, voyages en jet privé et autres meetings bling bling. La réforme embryonnaire des régions aura au moins permis de mettre à jour cette hypocrisie consistant à réclamer des économies à juste titre tout en hurlant dès que ça concerne ses propres élus. » commente un internaute sur cet article du Monde.
Les salaires en hausse pour les conseillers régionaux ?
En plus de leur nombre inchangé, les salaires des conseillers régionaux pourraient bien augmenter. Actuellement, leurs salaires sont calculés en fonction de la population de la région concernée: cela va de 1 520,59 € bruts par mois pour un conseiller d’une région de moins d’un million d’habitants à 2 661,03 € bruts par mois pour plus de 3 millions d’habitants.
Or, les nouvelles régions fusionnées vont, pour de fréquents cas, dépasser les 3 millions d’habitants: à titre d’exemple un conseiller de Bourgogne ou de Franche-Comté pourrait voir sa rémunération passer de 1.900 euros à 2.280 euros par mois, pour exactement le même travail, simplement parce que la zone qui le concerne est agrandie. N’oublions pas q’une bonne partie d’entre eux cumulent d’autres fonctions et additionnent les salaires.. Je rappelle que l’ensemble de cette réforme a pour but de faire des économies: ce barème doit donc être revu.
Cette réforme, si elle part d’une bonne initiative, n’est pas menée dans l’intérêt général: c’est un arrangement de compères préoccupés par leurs petits sous et qui découpent les régions comme des parts de gâteaux, pour continuer à se goinfrer.
Je n’ai pas beaucoup d’affection pour certains de nos élus (et pas seulement ceux qui font scandale) et ce sujet illustre parfaitement le fait que leurs intérêts ne sont pas toujours ceux de l’ensemble du peuple français: trouvez-vous qu’ils vous ressemblent, trouvez-vous qu’ils vous représentent bien ? Vous sentez-vous proche de ces gens ?
Ce n’est pas mon cas, et je ne suis pas le seul: nous sommes en démocratie, et il va falloir que le peuple arrête de donner des voix à ces individus simplement parce qu’on parle constamment d’eux à la TV et dans les médias: mon message c’est qu’il faut s’intéresser à des petites structures, de réelles initiatives citoyennes, qui vous ressemblent et qui proposent des réelles solutions. Ces structures n’arrivent pas à chopper des voix parce que les médias parlent peu d’eux: c’est un cercle vicieux. La nouvelle génération le sait, internet est un outil puissant qui peut rendre cela possible. Arrêtons de voter pour des privilégiés faisant partie d’une pseudo élite, qui ont pour seule légitimité d’avoir été sélectionnés par des écoles dites de « prestige » et qui ne comprennent de toute manière rien à l’économie et aux nouvelles technologies qui sont selon moi la clé aujourd’hui. Je referme cette parenthèse.
Beaucoup d’autres économies prévues
Évidemment les conseillers régionaux ne représentent qu’une partie des économies qui étaient prévues, mais cet amendement témoigne de l’état d’esprit dans lequel la réforme est menée et ça n’augure rien de bon. On a vraiment du mal à mener un réforme jusqu’au bout en France !
Cette réforme propose aussi d’autres changements afin de faire de grosses économies: la fin de la clause générale de compétence et des conseils départementaux, et la réforme des intercommunalités. Il faut aussi espérer que l’Etat fasse le ménage, avec tous ces postes de fonctionnaires doublons, même si l’exécutif cherche à cacher freiner le chômage qui continue d’augmenter en France..
Si la réforme territoriale se fait au mieux, un maximum d’économies seront donc tout de même possibles ! Le nouveau découpage de la réforme des régions, lui, entrera en vigueur le 1er janvier 2016. [◆]
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Plus d’articles bientôt
Timothée Fournié-Taillant, le Pixel Conscient
Si si timothex, continue comme ça!!
Malgré cette petite note positive en fin d’article je ne suis pas très optimiste pour la suite des choses.. notre classe politique ne correspond plus à nos attentes et ca c’est pas nouveau
Tes productions sont de qualité et introduisent une réflexion interessante pour les sujets abordés. bravo !